UBU ROI - ALFRED JARRY
Une œuvre énorme, c’est le moins que l’on puisse dire, caricaturale, truculente, concentré burlesque de tous les totalitarismes.
Le légendaire Jarry est au Théâtre de la place des Martyrs, accompagné par Dominique Serron (L’Infini théâtre), metteure en scène, ainsi que sept comédiens talentueux et déchaînés.
UBU ROI
Horrible fresque des appétits funestes, théâtre apocalyptique et carnavalesque.
Un couple d’affreux, de marionnettes humaines, d’humains articulés.
A l’instar du célèbre Macbeth de pacotille, poussé par l’ambition de sa femme, Père Ubu se décide à liquider le roi Venceslas (Pologne). Il veut régner dans l’absolu. Manger de l’andouille, avoir beaucoup d’argent, massacrer, injurier, diviser, piller , torturer, dévorer et partir en guerre.
Une farce grave et débridée qui actionne sans pitié les rouages infinis de la guerre et de l’argent, du pouvoir et de la guerre, de l’argent et du pouvoir.
Le putsch est mené avec rapidité. Le roi tué, Ubu se rue sur la couronne et le peuple se rallie immédiatement au nouveau monarque. Sa réussite est d’autant plus surprenante et effrayante qu’Ubu ne fait preuve d’aucune qualité mais collectionne par contre avec arrogance les défauts les plus grossiers.
« MerdRe »
Une fois roi à la place du roi, plus rien ne l’arrêtera pour obtenir ce qu’il veut : manger de l’andouille, posséder une grande capeline et s’enrichir.
Lorsque ses espérances seront déçues, il se lancera stratège conquérant, à la tête d’une armée contre le Czar et la Russie.
En bon tyran, il faut non seulement « endormir le peuple », le leurrer par des distributions d’argent, organiser des jeux de divertissement mais aussi éliminer tout adversaire potentiel ou tout témoin de ses manigances. Ses fonctions politiques avaient montré sa cruauté et sa cupidité, ses fonctions militaires révèleront toute l’étendue de sa couardise et de sa lâcheté...
Cependant surpris par la vengeance de Bougrelas , le fils cadet de Venceslas assassiné , sous-estimé par père Ubu, Ubu est littéralement écrasé par l’ennemi, mais comme dans les bons films d’horreur, il renaît de ses cendres annonçant peut-être de nouvelles aventures...à venir !
Tout çà, c’est l’histoire mise en scène par cette femme de théâtre, passionnée, dévorée de talent qui nous offre régulièrement des spectacles fantastiques, des œuvres théâtrales malaxées à sa sauce. Et c’est chaque fois une réussite bien méritée.
Et c’est encore le cas avec UBU ROI, dans la version de Dominique Serron .C’est tout dire !
« MerdRe »
Dominique Serron : La « merdre »du mal ne tombe pas du ciel : par sa farce tragi-comique, Jarry , non seulement en démonte la machinerie , mais précurseur de l’esprit libre et carnavalesque de Charlie Hebdo , il s’en moque génialement d’un sonore »merdre » qui lui donne de l’R...
Critiques, érudits, créatifs et débridés, Jarry et ses potes potaches ont flirté avec le sublime en modelant, avec la glaise des humains , un théâtre cruel et imprévisible.
VOIR, REGARDER UBU....
Dominique Serron : C’est se réjouir d’une mise en forme farcesque ! C’est assister à une fête des langages scéniques ! C’est aimer le théâtre et les acteurs ! C’est participer de cette liberté de ton ! C’est tirer la langue et se frotter le ventre ! C’est taper du pied et se lâcher.
C’est aussi disséquer les ressorts de la montée en puissance d’un dictateur, de la violence aveugle et de la mégalomanie égocentrique. Et voir révélée, en miroir de la cruauté , la nécessité d’une relation d’altérité et de reconnaissance de l’autre !
Ce n’est pas excessif de la part de Dominique Serron de conseiller la vision de ce spectacle tel qu’elle vient de le faire.
J’ai vu la pièce, je confirme avec plaisir ses propos. C’est gigantesque et désopilant. Le rire est présent durant toute la représentation. C’est incontestablement du « Serron » lié à du « Jarry » et là, c’est très fort bien entendu.
On retrouve totalement Dominique dans sa façon tellement personnelle de mettre en scène une telle pièce. C’est jouissif ! Sa manière également de diriger ses acteurs sur le chemin du burlesque sans trahir ou modifier le moindre mot écrit par cet extraordinaire Alfred Jarry.
LES COMEDIENS
Ils sont tout simplement merveilleux répondant avec talent et souplesse aux directives intelligentes de Dominique Serron.
Ils sont sept sur ce grand plateau des Martyrs :
France Bastoen (Mère Ubu)
Vincent Huertas (Père Ubu)
Laure Voglaire( La Reine Rosemonde)
François Langlois (Le roi de Pologne)
Réal Siellez ( Bougrelas)
Luc Van Grunderbeeck(Le Capitaine Bordure)
De superbes compositions, des personnages bien croqués.
On les sent parfaitement heureux de jouer cette pièce hors habitude. Et puis, quelles gestuelles loufoques ! Quels mouvements ! C’est du talent !
Scénographie & costumes & masques textiles : Christine Mobers)
Création lumières : Franco Desautez
Animation graphique : Abdel El Asri et Florence Weiser
Régie : Bruno Smit
Création masques, nez et têtes Lucia Picaro
Conseiller artistique : Laurent Capelluto
Encadrement artistique : Florence Guillaum
Photos de plateau : Pierre Bolle
Graphisme : Menon Meskens
Conception et réalisation des poupées : François Langlois
Assistante stagiaire dramaturgie : Sarh Gabillon
Assistante poupées et masques : Elodie Frimont
Assistant scénographie équipement :Kevin Sage
Réalisation des costumes : Julie Béca
Stagiaire costumes : Louise Winocour
Couturière : Ninon Teytaud
Administration générale : Vanessa Fantinel
Communication : Sylvie Perederejew
Stagiaires communication : Céli ne Dekock, Mathilde Manch, Oriane Piquot, Serevah Steimes
Production : L’Infini Théâtre en partenariat avec le Théâtre de la place des Martyrs.
J’aime publier le générique complet d’un spectacle. Chaque collaborateur y collabore avec passion.
Bravo à toute cette équipe, comédiens et travailleurs dans l’ombre.
Bravo à Dominique Serron et son Infini Théâtre qui défend intimement un projet culturel en interaction entre l’individu , l’intime , la famille d’artiste et le social, le public, la politique et la cité.
(Avec de larges extraits de propos publiés dans le programme du théâtre)
On peut saluer avec joie le trentième spectacle de la Compagnie.
« MerdRe"
a
COMPLEMENT D’INFOS
Alfred Jarry (1873-1907) refusait la tradition classique et le théâtre officiel qui flattent les spectateurs dans leurs goûts ; il voulait bousculer et il y parvenait toujours.
Ubu surgit du néant comme un texte prématuré de la modernité, né avant son temps. Il procède à la fois de la déconstruction et de l’invention fictionnelle, utilisant un langage inouï, explosif, corrosif et hilarant.
Nourrie d’une invraisemblable quantité de références et de citations, l’œuvre affirme cependant une authenticité rarement atteinte dans l’histoire du théâtre français.
La structure de la pièce s’apparente à un drame historique mais ces personnages vulgaires, trouillards et cupides n’ont rien reçu en héritage des héros Shakespeariens sinon la posture, la force dionysiaque et l’autorité de répartie.
UBU ROI est la mise en scène carnavalesque du pouvoir absolu comme pouvoir du mal dominé et dirigé par l’engrenage aveugle de l’argent et de la guerre.
Une œuvre prophétique, écrite en une suite de différents titres, par une jeune plume inspirée et débridée.
UBU ROI
Jusqu’au 12/12/15
THEATRE DE LA PLACE DES MARTYRS
Place des Martyrs 22 – 1000 Bruxelles
Infos Réservations : 02 / 223 32 08
INFO : Les musiques entendues au cours du déroulement de l'émission/blog sont celles que l'on entend pendant le spectacle.
Amis de l’émission/blog « Les Feux de la Rampe », merci de votre fidélité.
Notre moment de séparation : Le plaisir de revoir Woody Allen dans l’un de ses films : ANNIE HALL, avec Diane Keaton , Tony Roberts et , cela va de soi , Woody.
Un film hilarant , délicat, secoué de tocs où l’on voit Woody interprétant un humoriste new-yorkais , à la carrière éclatante, un incurable névrosé doté d’une verve inimitable.
Ce soir donc, lundi 30/11 à 20h55 sur ARTE la projection du film( reprojection demain mardi à 13h35) .
Ce soir encore, même chaine, à 22h25 , un documentaire sur et avec Woody Allen.
Woody : Le seul obstacle entre la grandeur et moi, c’est moi »
A ne pas rater.
Je vous laisse avec la musique du film « Annie Hall » .
A tout bientôt !
Roger Simons